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SAUVER NOTRE MODÈLE SOCIAL, C’EST ENFIN REGARDER LA RÉALITÉ EN FACE

« Sauver notre modèle social, c’est enfin regarder la réalité en face »

Lettre ouverte aux responsables politiques français (et pas seulement)

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les responsables syndicaux et patronaux,
Chers chefs d'entreprises actuels et futurs
Chers concitoyens,

Je vous écris au nom des Très Petites Entreprises & independants, ces millions de femmes et d’hommes qui tiennent la France debout, souvent dans l’ombre des statistiques et des plateaux télé.

Nous sommes nombreux à être fiers du modèle social français. Il protège, il soigne, il amortit les chocs. Mais il faut avoir le courage de le dire clairement : tel qu’il fonctionne aujourd’hui, ce modèle n’est plus financé.

Pour l’argent, nous souffrons de deux cancers avancés :

  • une dette publique d’environ 3 500 milliards d’euros,

  • un déficit commercial d’environ –100 milliards d’euros par an.

Pendant que la France s’enfonce, l’Allemagne affiche plus de +240 milliards d’excédent, l’Italie autour de +50 milliards.
Autrement dit : nous dépensons et redistribuons plus que nous ne produisons et exportons.

1. Dire la vérité : notre modèle social ne tiendra pas à ce rythme

Nous avons collectivement entretenu une illusion : celle d’un pays qui pourrait tout promettre à tout le monde, tout de suite, sans jamais se poser la question de la création de richesse préalable.

On a empilé des dispositifs, des régimes, des aides, des exonérations, des corrections de réformes précédentes. Chacun a eu “sa petite victoire” dans le débat public. Au final, nous avons fabriqué un système :

  • illisible pour les citoyens,

  • ingérable pour les TPE/PME,

  • et financièrement explosif pour l’État.

Ce n’est pas “être antisocial” que de le dire. C’est au contraire la seule manière de sauver vraiment ce modèle social, au lieu de le laisser mourir d’une lente asphyxie budgétaire géré par des comptables.

2. Les TPE : celles qui paient, rarement celles qu’on écoute

Les très petites entreprises représentent la majorité des employeurs de ce pays.
Elles sont :

  • en première ligne pour l’emploi local,

  • soumises à une avalanche de normes, de cotisations, de contrôles,

  • ne bénéficient pas des armées de juristes, fiscalistes ou consultants des grands groupes.

Pour beaucoup de dirigeants de TPE, la réalité est simple : ils travaillent 60 à 70 heures par semaine, prennent des risques personnels considérables, et servent d’“amortisseur social” en gardant un salarié coûte que coûte… tout en ayant, eux, aucune sécurité.

Nous voulons contribuer à l’effort. Nous le faisons déjà.
Mais nous demandons une chose : que la réforme du modèle social parte enfin du terrain, pas des bureaux parisiens.

3. Un pacte de 5 à 10 ans : trois priorités claires

Réformer le modèle social ne se fera ni en six mois ni à coups de slogans.
Cela demande 5 à 10 ans de constance, de pédagogie et de courage.
Nous proposons trois priorités simples, lisibles, assumées.

1. Remettre les comptes publics sur une trajectoire crédible

  • Règle d’or réelle : on n’emprunte plus pour payer des dépenses de fonctionnement courantes, mais uniquement pour l’investissement (éducation, santé, transition, justice, sécurité, innovation).

  • Revue de dépenses par blocs : ce qui ne fonctionne pas ou double d’autres dispositifs doit être réorienté ou supprimé, en expliquant honnêtement pourquoi.

  • Stabilité fiscale : les TPE n’ont pas besoin de “réformes surprises” tous les ans, mais de visibilité à 5 ans sur les charges, les seuils, les obligations.

2. Réconcilier modèle social et travail

Un modèle social financé par le travail ne peut survivre si une partie croissante de la population sort durablement de l’emploi.

  • Toujours faire en sorte que travailler rapporte concrètement plus que de rester dans les dispositifs d’assistance, en supprimant les trappes à inactivité et les effets de seuil absurdes.

  • Repenser l’emploi des seniors : transitions de fin de carrière, cumul emploi-retraite attractif, reconversions accompagnées, plutôt que la mise au placard ou l’inaptitude de confort.

  • Développer une “flexicurité à la française” : moins de complexité pour embaucher et ajuster, en échange d’une vraie protection via la formation, l’assurance-chômage et des parcours de reconversion bien accompagnés.

3. Réarmer la base productive : produire et exporter davantage

Sans base productive solide, notre modèle social n’est qu’un château de cartes financé à crédit.

  • Choix industriels assumés : énergie, santé, transition, numérique, défense, agroalimentaire, savoir-faire d’excellence… Il faut des trajectoires claires, stables, au-delà des alternances politiques.

  • Alléger réellement ce qui pénalise la production dans les TPE/PME : impôts de production, complexité réglementaire, instabilité des règles.

  • Mettre l’export au cœur de la stratégie : accompagnement renforcé des petites entreprises qui veulent franchir le pas, simplification des démarches, sécurisation des paiements, soutien au recrutement de talents export.

4. Moins de réparation, plus de prévention et d’investissement social

Aujourd’hui, une part croissante de notre dépense sociale sert à réparer ce qu’on n’a pas su prévenir : décrochage scolaire, maladies évitables, risques psychosociaux, précarité durable.

Nous appelons à un basculement clair :

  • Priorité aux enfants, à l’école, à la santé mentale, à la prévention des risques au travail.

  • Incitations fortes pour les entreprises qui investissent dans la qualité de vie au travail, la prévention des RPS, la formation des salariés et des dirigeants.

  • Simplification et meilleure lisibilité des minima sociaux, avec un accompagnement réel vers l’insertion, plutôt qu’un empilage de dispositifs.

Ce n’est pas “moins de social”.
C’est un social plus utile, plus juste, plus soutenable.

5. Le vrai courage politique : tenir le cap, pas promettre l’impossible

Ce que nous demandons à nos responsables, ce ne sont pas de grands discours sur “la défense du modèle social français”, mais une feuille de route honnête :

  • dire ce que nous pouvons encore financer,

  • dire ce que nous ne pouvons plus promettre,

  • dire comment nous allons, collectivement, remettre le pays en situation de financer durablement sa protection sociale.

Le véritable courage ne consiste pas à annoncer une énième réforme paramétrique des retraites ou une nouvelle aide ponctuelle, puis à passer à autre chose.
Le véritable courage, c’est de prendre devant les Français un engagement de 5 à 10 ans, cohérent, stable, évalué.

6. Appel des TPE : nous sommes prêts à prendre notre part

Les dirigeants de TPE ne demandent pas un “passe-droit”.
Ils demandent :

  • qu’on reconnaisse leur rôle central dans le financement du modèle social,

  • qu’on écoute leur réalité avant d’ajouter une norme ou une charge,

  • et qu’on leur donne un environnement lisible, stable et juste pour investir, embaucher, former.

Nous sommes prêts à faire des efforts, à innover, à protéger nos salariés, à participer à la transition écologique, à améliorer la qualité du travail.
Mais nous ne pouvons plus avancer dans un système où l’on traite les TPE comme une variable d’ajustement silencieuse.


Conclusion : choisir entre l’illusion ou l’avenir

Nous avons deux options :

  • continuer à vivre dans l’illusion d’un modèle social intouchable, financé par la dette et un appareil productif affaibli ;

  • ou accepter, ensemble, un pacte de vérité, de responsabilité et d’efforts partagés pour 5 à 10 ans.

En tant que président de la CNTPE, au nom des dirigeants de très petites entreprises que j'ai l'honneur de représenter, je choisis la deuxième option. Et je vous demande, respectueusement mais fermement, de la choisir avec nous.

Parce que sauver notre modèle social, ce n’est pas refuser de le réformer.
C’est au contraire avoir le courage de le transformer pour garantir un avenir à nos enfants.

Jean-François FERRANDO
Président de la CNTPE

(Confédération Nationale des Très Petites Entreprises)

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